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SAWYER

 

 

 

 

 

 


Chapitre 1
"Seul"
(posté par Lou le mardi 9 Août 2005 à 6h20)

Lieu : La Nouvelle-Orléans, Louisiane, Etats-Unis.
Une chambre d'hôtel miteuse sur Canal Street.
Heure : Imprécise, tombée de la nuit.


 

 

 

 

 

 



"Sawyer ouvrit les yeux.
Pour la première fois depuis plus d'un mois, il y avait un plafond au-dessus de sa tête.
Bas et crasseux, la peinture était craquelée par endroit, et une tâche sombre semblait ronger la matière.
La fenêtre était ouverte, et les rumeurs de la rue emplissaient la pièce.
Relents de cuisine grasse et de vieux blues psalmodié.
Le nuit tombait déjà.

Combien de temps avait-il dormi ?
Se redressant un peu, il grimaça de douleur. Un feu liquide s'était réveillé dans son abdomen, s'écoulant lentement et pulsant contre sa peau. Sa blessure lui faisait encore mal. Poussant un gémissement, puis un juron, il parvint à se mettre en position assise.
Il soupira. Putain de balle.

Il ignorait toujours qui lui avait tiré dessus.
Ses souvenirs étaient voilés, imprécis. C'est d'ailleurs tout ce qu'il avait pu dire au médecin et aux deux psy qui lui avaient parlé, avant son rapatriement.
Une lumière blanche, un éclat de douleur, puis le froid et l'obscurité.
Des cris au loin, evanescents.

A son réveil il était sur un lit d'hôpital, quelque part à Sydney. Seul.
Qu'était-il advenu des autres ? Et Michael, Jin, Walt ?
Quand il avait posé des questions, les seules réponses qu'on lui avait donné étaient floues et évasives : "ne vous inquiétez pas vous ne craignez plus rien", "des équipes de sauvetage sont à l'heure actuelle en train de tout faire pour rapatrier les survivants".
Puis un billet d'avion pour la Nouvelle-Orléans, à sa demande, puis les journalistes amassés autour de l'aéroport, ce matin.

Violent retour à la civilisation.
Ce mois sur cette île était passé comme une année, plus riche et plus conséquent encore.
Il avait presque oublié le bruit, celui d'une foule qui braille des questions incompréhensibles, insensées, celui d'une ville, baignée d'une éternelle cacophonie ambiante.
La lumière artificielle aussi, à l'éclat étrange et presque délicat.
Ce qui n'aura été finalement qu'une parenthèse surréaliste semblait l'avoir marqué irrémédiablement.
Changé ?
Nan.

Perdu dans ses pensées, Sawyer chercha d'une main son paquet de cigarette, en vain.
Et bordel de merde. Plus de clopes.
Il se leva, grimaça à nouveau, cherchant des yeux, dans l'obscurité naissante, ce qui aurait pu ressembler à paquet rouge et blanc.
Tiens, une télévision.
Il ne l'avait pas remarqué.
Mais il devait bien s'avouer qu'en entrant, son épuisement était tel qu'il n'aurait pas remarqué un orchestre de fanfare.
Une télévision. Persuadé qu'elle ne marcherait pas (quelque chose qui marche dans ce coin du French Quarter ? Et depuis quand ? ), il appuya sur le bouton Power.
Il fut surpris lorsque l'écran crépita et devint blanc.
Quelque secondes plus tard, incrédule, il assistait sur une chaine nationale à une émeute londonnienne en raison du retour inespéré de Charlie Pace, le bassiste de Drive Shaft. Des centaines de fans, des milliers peut-être, se bousculaient le long d'une avenue, tentant d'apercevoir le rockeur à l'intérieur d'une limousine aux vitres teintées.

"Ok..., murmura t'il, Chucky était une star..."
Il esquissa malgré lui un sourire, leva les yeux au ciel, puis tenta de changer de chaîne.
Il ne se passa rien pendant quelques secondes, puis l'écran fut traversé de stries, et une nouvelle image apparu : des hommes vêtus de noirs, une foule, de nouveau, et une confusion totale.
Sawyer se détourna et fit un mouvement pour retourner s'asseoir. Autant se mettre un peu au courant, les clopes attendraient.
La voix du commentateur continua : "...survivants du vol Océanic Airlines 815, Katerine Austin, présumée auteur de braquage et de meurtre, et qui était parvenue à échapper à la loi depuis presque cinq ans."
Sawyer se retourna vivement.
" La fugitive a été appréhendée dès sa sortie de l'hôpital, à Sydney, et a été rapatriée sous l'autorité des agents fédéraux. On ignore encore ce que la justice décidera à son sujet. La possiblité qu'elle soit déferrée au parquet de Baton Rouge a été mentionnée. Rapellons qu'hélas, l'agent qui l'escortait sur le vol 815 n'a pas survécu."
Kate était là, dans l'écran.
Portant des vêtements qu'il ne lui avait jamais vu, et marchant comme si elle boitait -était-elle blessée ?, mais c'était bien elle, ça ne faisait aucun doute.
Elle tentait de cacher son visage sous les flashes des photographes. Ses cheveux étaient lâchés, sales, ses yeux rougis, elle avait manifestement pleuré. Trois hommes la maintenaient fermement et la firent entrer dans une voiture. Plusieurs journalistes tentèrent de s'agglutiner autour, mais elle démarra en trombe et disparu hors de l'écran.
" C'est la nouvelle phare de notre journal : des personnes ont survécu au terrible crash du vol 815. Nous vous donnerons plus d'informations sur cet incroyable évènement dans notre bulletin du soir."
L'image changea. Sawyer cligna des yeux.
"Nous vous rapellons qu'une alerte est lancée cette nuit sur les régions du sud et de l'est de la Louisiane, en effet de violents orag..."
Il éteignit le poste.

Le silence semblait s'être fait, dehors aussi.
On n'entendait plus que de lointaines rumeurs, une vague musique, des moteurs peut-être.

Une épaisse moiteur s'exhalait depuis la rue.
Sawyer se sentait incapable de bouger.
Debout là, les cheveux dans les yeux, il ne sentait pas vraiment blessé en définitive, ni épuisé.
Il se sentait malade.
Il avait toujours su que Kate était la fugitive. Il ignorait pourquoi, et ce qu'elle avait fait précisément, mais il savait que c'était elle.
Il savait que ça arriverait si les secours les retrouvaient un jour.
"Un jour", c'est l'expression qui avait régné sur tout leur séjour là-bas, avait conditionné leur quotidien et leur attitude.
Un jour ne signifiait pas demain, et encore moins aujourd'hui.
Cette fois c'était là.
Mais la réalité prenait soudain une épaisseur inattendue, et un goût amer. Kate allait probablement être condamnée à perpétuité. L'état de Louisiane approuvait la peine de mort, mais celle-ci n'avait pas été appliquée depuis des décennies.
Alors oui, Tâches de Rousseur allait de toute évidence passer le reste de ses jours dans une cellule.
Il ferma les yeux, visualisant la scène.
Il ne pouvait rien y faire. Absolument rien.
Et même s'il lui avait donné cette foutue place sur le radeau, cela n'aurait rien changé.
Enfin, sans doute pas...

Il ouvrit les yeux.
Mais peut-être qu'elle aurait eu une chance. Peut-être.

Sawyer déglutit et se força à bouger.
Il fit un tour sur lui-même puis s'arreta de nouveau, le regard perdu dans le vague.
"Et merde".
Il avait assez de problèmes comme ça pour se soucier d'elle. Bien assez.
...Chacun sa croix ma mignonne...
Il était venu ici pour retrouver Hibbs, en espérant qu'il avait toujours sa petite villa au milieu des bayous.
Il avait comme un truc à lui dire.


Mais pour l'instant, la seule chose qui comptait, c'est qu' il avait besoin d'une cigarette, et surtout d'un verre, voire plus. Il avait faim aussi, avait besoin d'une douche, mais ça, ça pouvait attendre.
Et par chance, le Quartier Français fournissait à outrance de tout ce qu'un type comme lui pouvait venir y chercher, pensa t'il en fermant la porte de la chambre.


...



Sawyer remontait Canal Street. Il avait l'intention de couper par Decatour et de descendre sur St Charles.
Ayant vaguement souvenir d'un bar à blues où ni l'alcool ni les filles n'étaient très chers, il marchait sans réfléchir. Il se sentait comme un fantôme. L'air était brûlant, et sentait mauvais. Les villes sentent ça, toutes, mais il avait oublié.
Un vent lourd se levait, faisant frissonner la rangée de maigres bouleaux plantés là, le long du trottoir.
Mille pensées tourbillonnaient dans l'esprit de Sawyer. Il fallait qu'il se calme, accéléra le pas.
Deux adolescentes se retournèrent sur son passage et éclatèrent de rire.
Il ne s'était pas encore changé, et avait conscience de son allure de vagabond.


Sawyer sourit pour lui-même, quelque secondes, mais lorsqu'il entra sur St Charles et se perdit dans la foule, anonyme, son regard avait changé.

Au-dessus de la ville une armée de nuages noirs avançait en rangs serrés.
L'orage arrivait. "

Suite chronologique - Charlie - Le Retour                    Suite logique - Sawyer - Seul, partie 2

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