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SAWYER

Chapitre 2

« Nuit noire. »
(posté par Lou le vendredi 26 Août 2005 à 3h27)


 

 

 

 




Il n’était que midi mais il faisait déjà chaud et lourd.
Octobre restait un mois brûlant, dans cette partie de la Louisiane.

La porte façon Far-West de l’armurerie s’ouvrit en grinçant, et Sawyer sortit dans la rue, protégeant ses yeux du soleil du revers de la main.
Il avait fait une affaire. Son permis de port d’arme était caduc depuis deux ans mais le vendeur avait gobé tous ses mensonges, et l’explication pourtant foireuse qu’il avait donné à ce sujet.
Trop facile de se trimballer avec un flingue dans ce pays…

Ca l’avait mis de bonne humeur. Il s’acheta un hot-dog débordant de ketchup et pris le tramway jusqu’au bout de la rue Conti.
Là il loua une voiture, un peu chèrement à son goût, mais il n’y avait pas eu moyen de marchander.
Puis il prit la direction du Bayou Lafourche.


Sur la route, il ouvrit la fenêtre et alluma la radio.
Le soleil envahissait l’habitacle, frappait sa peau avec une douceur toute tempérée, qu’il avait oubliée.
Oui, décidément, il se sentait bien.
Bien mieux qu’hier.
Il se sentit un peu honteux de s’être mis dans cet état. Absolument ridicule. Qui que cette fille ait pu être, il espérait qu’elle ne l’ait pas vu sortir du bar en courant.

Il passa une main dans ses cheveux, et s’alluma une clope qu’il colla au coin de ses lèvres.
Aujourd’hui il portait des vêtements propres (le jean et la chemise blanche qu’il avait achetés à Sydney), avait l’estomac rempli, et plus que jamais, il se sentait loin de l’île.
Loin des autres. Loin d’elle.
Il était Sawyer.
Et même si certains événements qui avaient eut lieu là-bas avait pu lui en faire douter quelquefois, il savait désormais que ça lui convenait parfaitement. Etre Sawyer.
« Parfaitement » murmura t’il.
Les anciens repères reprenaient peu à peu leur place.
Ils avaient commencé à déguerpir, mais c’était fini. Les choses normales reprenaient leur cours.

Il avait cru pouvoir changer, se souvenait-il.
Il eut un sourire mauvais. Changer.
Oui. Les derniers jours sur cette île, il avait même cru avoir changé.
Un peu. Assez pour avoir envie d’autre chose. D’une vie normale, par exemple.

Plus que douze kilomètres avant le bayou.
C’était le bayou qui venait à lui, et pas le contraire, se dit-il.
Ca en avait toujours été ainsi.
Il se contentait de réagir, de se défendre. De survivre.
Quel autre choix ?
Que faire d’autre ?
Il sentit de nouveau ce gouffre en lui, ce vide immense et dévorant qui pulsait dans son ventre et contre ses tempes, cet appel à la destruction.
Il s’efforça de ne pas y penser. Ne pas y penser.


Plus que huit kilomètres.
Il déglutit et changea de station.
« You all everybody… You all… »
Il mit un instant avant de comprendre pourquoi l’air et les paroles lui semblaient familiers, puis les connexions se firent.
Charlie.
Il avait joué cet air souvent, là-bas, sur sa guitare.
Près du feu le soir, veillant sur Dame Maman comme s’il s’agissait d’une question de vie ou de mort. Charlie qui lui avait tendu la bouteille remplie de messages, le dernier jour, avec dans le regard un éclat qui disait « bonne chance mon gars, bonne chance Sawyer ».
Charlie, bassiste de Drive Shaft, qui selon toute évidence allait renouer avec le succès et les paillettes.
Sawyer ne put s’empêcher de sourire.
Le début d’une pensée hésitante vint toquer à la porte de sa conscience, une pensée qui avait l’air de vouloir dire « il va te manquer, ils vont tous te manquer, et elle te manque déjà », mais il la rejeta violemment avant qu’elle n’ait franchi le seuil.
Une lueur dure assombrit son regard.

Quatre kilomètres.
« Personne ne va me manquer. »
Il jeta son mégot par la fenêtre, emprunta une sortie d’autoroute.
Il approchait.

Des chênes centenaires recouverts d’une longue mousse espagnole bordaient la route.
A partit d’ici, le Mississippi rentrait dans les terres et formait les marécages.
Il hésita au croisement, et cru se souvenir, c’était à gauche.
A l’époque c’était Hibbs qui conduisait, mais il avait bonne mémoire. A gauche. C’était le soir où celui-ci l’avait invité à dîner, lui avait présenté sa femme, et sa fille de 8 ans.
Le soir de l’arnaque très juteuse de Morgan City.

Il emprunta une allée, puis un sentier de terre boueuse.
La végétation était dense, mais il apercevait la maison d’ici.
Une maison sur pilotis, cossue, dans le style espagnol, avec un balcon extérieur et quelques marches en bois sur le seuil.
Il décida de se garer là, à quelques dizaines de mètres.
Autant être sûr, autant être prudent.
Si cet enfoiré n’avait pas déjà eu la présence d’esprit de mettre les voiles, alors il vivait sans le savoir ses dernières minutes.

Sawyer claqua la portière, et posa une main sur le revolver, dans la poche arrière de son jean.
Forme familière, rassurante.
Il fit quelques pas puis entendit le moteur d’une voiture approcher.
Lestement, il se glissa derrière un chêne. Il se risqua à jeter un œil lorsqu’elle passa à sa hauteur, et reconnu la jeune et jolie femme de Hibbs au volant, ainsi qu’une autre silhouette, plus frêle, à l’arrière.
Leur fille.
Bien.
Avec un peu de chance, Hibbs serait là-bas, seul.

Restant dans les fourrés, Sawyer progressa jusqu’à la maison.
Les volets étaient clos. Tout était calme. Dans la cour, une voiture était garée.

Rapidement, après s’être assuré que personne ne se trouvait dans le jardin, Sawyer grimpa les quelques marches de l’entrée, puis décida de faire le tour par le balcon extérieur.
Des planches grincèrent sous ses pieds, et il ralentit le pas.
Il fit le tour de la maison, et se retrouva devant la porte arrière, celle de la cuisine.

Sans trop y croire, il abaissa la poignée de l’entrée : celle ci tourna, et la porte s’ouvrit.
De la main gauche il sortit son revolver, et poussa le battant le plus lentement possible.
Son cœur battait fort et l’empêchait d’écouter précisément, mais il lui sembla entendre du bruit, à l’étage.
Il referma la porte, et avança.

Les meubles étaient couverts de draps blancs, afin d’empêcher la poussière de s’y déposer.
De nombreux cartons jonchaient le sol, soigneusement fermés.
Sur les murs, des cadres clairs indiquaient l’endroit où avaient été accrochés les tableaux.
« Tu fais ce qu’il faut Hibbs, mais tu t’y prends trop tard » pensa Sawyer.

A cet instant il entendit des pas pressés descendre l’escalier.
Sans bruit, il se plaqua contre la balustrade.

Hibbs descendait, avec un carton visiblement très lourd dans les bras. Il était essoufflé et Sawyer l’entendit tousser et marmonner un juron.
Au bas de l’escalier, il se dirigea vers l’entrée principale, tournant le dos à Sawyer.
Celui-ci le mit en joue.
Cette fois, il ne tremblait pas.

- Tu vas quelque part ?

Hibbs s’arrêta net, pétrifié.

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