SAWYER
Chapitre 2
Partie 2 (posté par Lou le mercredi 31 Août 2005 à 6h19)
« - Tu vas quelque part ?
Hibbs s’arrêta net, pétrifié.
Sawyer sentit l’adrénaline courir dans ses veines, et les battements de son cœur étaient si bruyants qu’ils semblaient avoir envahi la pièce.
Mais il ne tremblait pas. Il visait très exactement la nuque de Hibbs.
Le monde entier venait de rétrécir, les murs de se rapprocher, la réalité tout entière se réduisait désormais à ce petit espace de peau claire, au-dessus du col de la chemise noire.
Hibbs resta immobile de longues secondes, avant de se retourner, lentement.
Il leva les yeux et regarda Sawyer, le carton toujours entre ses bras.
Quelques mètres seulement les séparaient, et Sawyer pu distinguer avec précision les cernes violacés sous les yeux de l’homme.
- Tu t’es fait du souci, Hibbs… Et tu quittes le navire on dirait… Peut-être que t’as quelque chose à te reprocher ?
Hibbs ne répondit pas, mais son menton se mit à trembler. Sawyer se fit la réflexion qu’il était méconnaissable. Il avait perdu toute son assurance, cette prestance ironique qu’il lui avait toujours connu.
- T’es pas content de me voir ?
Hibbs baissa les yeux, se mit à fixer avec acharnement un morceau du tapis couleur crème qui couvrait encore le parquet.
Puis il ouvrit la bouche et chuchota, dans un souffle presque inaudible :
- Je… Je ne savais pas si tu étais vivant… Il fallait que je mette Evie et Maggie à l’abri… J’ignorais si tu faisais partie des surv-…
- Je suis là Hibbs, coupa Sawyer d’une voix sarcastique. Tu vois ? Je suis là, bien vivant. Avec seulement le meurtre d’un innocent sur la conscience. Seulement ça.
- Sawyer ne me tue pas.
Il avait toujours les yeux baissés, mais sa voix tremblait tant désormais, qu’il était impossible d’ignorer qu’il pleurait.
- Pitié.
Sawyer le détesta soudain plus que jamais. Pour ces larmes, cette attitude pathétique.
Hibbs avait-il ressenti de la pitié en l’envoyant tuer cet homme ? Avait-il eut pitié de qui que ce soit dans sa chienne de vie ?
Sawyer arma le revolver.
Le cliquetis fut sonore dans le silence, et Hibbs releva la tête vivement.
Sawyer vit avec délectation la terreur dans ses yeux.
Le sol avait perdu de sa consistance et des couleurs chatoyantes semblaient surgir autour de lui. Il n’était pas seulement devant Hibbs, il était aussi devant ce type aux yeux bleus en Australie, celui qu’il avait tué, il était devant le marschall allongé sur son lit de mort, il était devant ce sanglier au regard inquisiteur, et il était devant son père, celui dont il ne se souvenait que grâce à une seule et unique photo un peu déchirée, son père, inconnu terrifiant, meurtrier et suicidaire, monstre de l’enfance aux bottes de cow-boy démodées.
Mais Sawyer, le vrai Sawyer, n’était pas là.
Ni dans la pièce ni dans sa tête. Aucune image, aucune prise sur la réalité.
Jamais il ne le retrouverait. Jamais il n’échapperait à cette douleur, à cette colère.
Il allait tuer Hibbs, tuer un homme désormais il savait faire, mais rien ne changerait.
Il le savait.
Hibbs avait lâché le carton, qui était tombé avec un bruit lourd sur le sol.
Des larmes coulaient sur son visage et il avait levé les mains, paumes ouvertes, suppliantes.
- Sawyer…, gémit-il. Je t’en prie, … je t’en prie Sawyer j’ai une famille,… j’ai une vie…
- Moi aussi ! hurla Sawyer, et ses jointures étaient blanches tant il serrait l’arme. Moi aussi, j’aurais pu avoir une vie.
Il fit un pas en avant et Hibbs recula en gémissant.
- Misérable ordure, murmura Sawyer.
Hibbs s’agenouilla et se mit à geindre quelques mots entrecoupés de sanglots :
- Il fallait que je me débarrasse de lui Sawyer tu comprends et je ne savais pas, je n’avais pas d’autre moyen et puis tu sais, d’une certaine manière je le faisais pour toi aussi, … je, … j’imaginais que si tu tuais quelqu’un que tu croyais être lui tu finirais par être apaisé, ou, ou soulagé, je, … Sawyer je voulais faire d’une pierre deux coups, je ne pouvais pas savoir que tu découvrirais que …
Sawyer hurla. Pas pour dire quelque chose, car c’était un cri d’animal.
Mais tout en parlant, à genoux, Hibbs s’était rapproché de lui, et au moment ou Sawyer tirait, il avait déjà entamé son mouvement. S’appuyant sur un pied il se releva prestement et d’un puissant coup de poing il frappa le poignet gauche de Sawyer.
La balle fit un trou bien net et bien rond dans la cloison du mur de l’entrée.
Le revolver tomba par terre, à quelques mètres, dans la pénombre de plusieurs cartons.
Sawyer n’eut pas le temps de réagir et Hibbs, déjà, frappait son visage violemment.
Sawyer tomba au sol et entraîna Hibbs dans sa chute.
Tous deux roulèrent sur eux-mêmes en tentant de prendre le dessus et le tapis crème se trouva vite taché de sang. La blessure de Sawyer avait été recousue à l’hôpital, mais celle-ci se déchira de nouveau, l’aveuglant d’un éclair de douleur. Hibbs sentit que Sawyer faiblissait, et en profita pour grimper sur lui et lui décocher un uppercut d’une violence inouïe. Sawyer failli perdre connaissance, mais il tint bon. Levant les mains, il attrapa le cou de Hibbs, et tenta de l’étrangler. Mais la douleur était trop forte, des taches pourpres dansaient devant ses yeux.
Hibbs frappa de nouveau, puis encore, et Sawyer lâcha prise.
Il s’abandonna aux coups, serrant les paupières le plus fort possible, tentant de s’abstraire, de n’être plus là, de cesser d’exister.
Il entendit Hibbs ricaner, et soudain le poids sur son corps disparu.
Hibbs s’était relevé.
Sawyer ouvrit un œil. Il sentit qu’il allait vomir, un goût de sang dans la bouche.
Hibbs se tenait devant lui, debout.
Le revolver était dans sa main droite.
De l’autre il essuyait le sang qui coulait des commissures de ses lèvres.
- Espèce de petit con, cracha Hibbs. Tu as niqué un tapis à 900 dollars.
Saywer sourit, découvrit ses dents pleines de sang.
- Tue-moi Hibbs.
Celui-ci le regarda avec une grimace de dégoût, et après quelques secondes où il sembla réfléchir, pointa l’arme sur Sawyer.
- C’est ce que tu veux ?
Sawyer regarda le plafond. La douleur était atroce. Il repensa sans raisons à Kate assise près de lui, quelques heures après les soins au bambou prodigués par Sayid. Elle l’avait veillé comme une mère ce jour-là. Sayid, d’ailleurs, qu’était-il devenu ? Il aurait aimé savoir que son fichu radar avait fonctionné. Ahah. Sawyer se mit à rire.
Hibbs plissa les yeux.
- Je vois que ça t’amuse.
Sawyer répéta, toujours souriant :
- Tue-moi. S’il te plait.
Combien de couteaux avait emmené Locke déjà ? Nom de Dieu ce type avait vraiment une araignée au plafond… Même Jack avait fini par ne plus lui faire confiance. Jack… ce bon vieux toubib….. Aujourd’hui son diagnostic aurait été sans appel : tu as une côte cassée et tes points de suture se sont déchirés, mais le plus grave c’est le 9mm pointé sur ton front. J’veux pas te mentir : c’est préoccupant.
- Non.
Sawyer regarda Hibbs.
Il venait de dire « non ».
- C’est pas ton jour Sawyer. J’vais pas te tuer. Pas aujourd’hui. Mais je vais revenir. Avec des hommes à moi. Et si tu es encore là, tu n’auras pas à réitérer ta prière. Tu rejoindras tes foutus parents au paradis des loosers.
Hibbs s’accroupit à ses côtés :
- Et si tu cherches à me retrouver, où à faire du mal à ma famille, je te promets de ne pas te tuer non plus. J’ai deux ou trois amis qui se feront un plaisir de t’écorcher vif et d’arracher tes jolis yeux.
Hibbs le fixa quelques instants, appuyant du regard les mots qu’il venait de prononcer.
Sawyer ferma les yeux. Il avait cessé de sourire.
Hibbs se releva et se dirigea vers l'entrée :
- Et ferme la porte en partant. "
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