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Episode 6 – Destins croisés (Partie 2) (posté par Zurabinho le jeudi 30 Août 2006 à 22h23)

Lieu : ‘’Ile souterraine’’

 

 

 

 

 



 

 



Les mines s’étaient tout à coup faites graves, et la tension palpable : le mot avait été lâché. Pour une fois, il l’avait mise totalement de côté, ‘’l’Ile’’, mais elle ne pouvait ne pas remonter à la surface, comme la mauvaise herbe émerge perpétuellement d’un morne jardin. Et Nadia ? Qu’en avait-elle su ?

‘Tout ce qu’il m’a été donné de savoir’, répondit-elle, d’un ton étonnamment amusé, reprenant avec Sayid la remontée, tandis que le bruit factice semblait fatiguer.
‘Un jour, j’ai allumé mon poste de télévision. On annonçait une disparition d’avion. Une disparition, c’est rare, mais alors quand une vedette est impliquée, les médias en profitent…’
‘Une vedette ?’
‘Un ‘’Charlie Pace’’, membre d’un groupe de rock connu…’ Sayid sourit. Charlie, jeune homme fragile et un peu paumé. Charlie et sa guitare…
‘En plus d’une criminelle recherchée par les services de police. Les noms des disparus ont défilé, et quand j’ai vu le tien… je me suis sentie mal.’ Elle avait, elle aussi, retrouvé un ton plus enjoué, heureux, mais qui restait concentré, lucide, sûr, un brin mélancolique. Sayid l’admirait, à présent. Nadia possédait cette assurance, cette aisance dans les mots, dans les gestes, les expressions, qui lui manquait à lui, et qui lui permettait à elle, quoiqu’il advienne, de viser juste, de faire mouche. Sayid se sentait alors infiniment petit, ridicule, comme le garçon autrefois poussé dans la boue, face à cette volonté, cette force de caractère, lui qui avait été homme digne de confiance sur l’Ile. Il était impuissant, livré tout entier à Sa volonté, à Son irrésistible charme. Sayid se souvint : en Irak, il avait suivi son jeu. Et il l’avait libérée. Sauvée de l’exécution, libérée de ces murs sombres, mais également de lui . Car l’ex-tortionnaire n’avait alors pas pu partir. Il se remémora ses mots, implacables de sang-froid et de raison : ‘’déserteur’’, ‘’ils tueront ma famille’’ . Quand la balle de Sayid avait perforé sa jambe, il l’avait donc libérée, et cette évidence, qui à nouveau effleurait son esprit : elle en avait aimé un autre, et ne l’avait de toute manière pas attendu comme lui l’avait poursuivie. Pas d’alliance au doigt, mais il se souvenait. A-t-il pu faire le mauvais choix ? N’aurait-il pu tenter de l’accompagner, essayer, s’engouffrer dans la brèche tant qu’elle était à sa portée ? Pure folie. Non, c’était honteux d’y avoir pensé. Autant d’égoïsme. Tout allait bien à présent.

‘Sayid ?’ Nadia s’était perdue dans ses pensées, elle aussi, mais pas dans ce labyrinthe, qui n’en était pas vraiment un : fait de montées peu abruptes et même de descentes, il ne connaissait pas d’embranchements, excepté celui qui les avait réunis. Sayid était assailli par une foule de sentiments contradictoires , lui qui avait pourtant tant de fois vécu cet instant par procuration. Il l’écoutait, tout de même. Il tenait trop à elle. Et il tenait à savoir.
’Le lendemain, je n’étais pas dans mon état normal. José, mon fiancé, l’a remarqué.’ Elle arrêta sa phrase là, comme si le seul but de cette dernière avait été de révéler cette liaison, sans émotion particulière, de manière exclusivement informative.
‘Je l’ai rencontré il y a un an et demi de cela. J’ai construit une nouvelle vie, loin de tout, loin du passé. Loin de toi, Sayid.’ Celui-ci observa son air neutre devenir coupable, il savait qu’elle tenterait de l’attendrir, et comment elle s’y prendrait. Et elle y arriverait sans doute, car lui savait qu’il ne pourrait pas résister.
‘C’est donc çà, nous nous retrouvons dans cette vie. Je te l’avais écrit. C’était soit maintenant, soit dans l’autre vie.’ Nadia ne savait vraisemblablement plus quoi dire. Elle expliqua qu’elle voulait prononcer cette phrase, significative, témoignage qu’elle n’avait pas oublié. Que le souvenir était encore brûlant, douloureux comme une cicatrice à vif et jamais refermée. En vérité, Sayid se vit décrire parfaitement son mal, mais ne savait pas, ne savait plus, s’il fallait penser qu’il s’était appliqué à Nadia. Elle avait laissé l’émotion la submerger, en lui promettant qu’elle aurait préféré la dire à un autre moment, plus propice.

‘Continue, je t’en prie.’ Sayid n’avait pas été dur . Il ne montra pas ses sentiments, mais il était vaincu. Par la fulgurance sournoise de la douleur de l’aveu concret, d’une part. Par l’attitude désemparée, et désemparante, de Nadia, de l’autre. Mais elle se souvenait, sans inscriptions au dos d’une vieille photo pour le lui rappeler, et c’était pour Sayid l’excuse qui le faisait accepter tout ce qu’elle lui annoncerait en cet instant.

Sur ces entrefaites, alors qu’ils venaient de s’engager dans un long et étroit corridor, une lumière lointaine semblait annoncer l’approche du retour, de l’autre côté de celui-ci. Mais Sayid n’y prêtait guère attention. Nadia marmonna alors :
‘Je me suis servie de toi.’ Ils marchaient d’un pas régulier, et le halo se faisait plus significatif, sous leurs yeux. Sayid l’avait enfin remarqué. Elle éleva la voix :
‘Tout ceci, cet enlèvement, ces contretemps, ce n’était évidemment pas prévu. Mais quand ils m’ont appelé, peu après votre sauvetage, je me suis livrée aux agents du FBI. Sayid, tu n’as décidément pas changé. Tu haïssais les Etats-Unis, tu ne jurais que par le régime de ce dictateur de Saddam ! C’est toujours le cas, n’est-ce pas ? Quand il a été renversé, le seul point d’attache que tu aies trouvé, c’était donc moi ? En restant, quand je suis partie, tu as tout perdu ! Tu aurais pu au moins aller au bout de tes idées, me faire exécuter ! J’ai reconstruit une existence aux Etats-Unis, Sayid, et peu importe finalement que tu soies encore entre les mains de ces fils de dictateurs qui continuent la guerre, ou que tu n’en sois plus. Je ne tiens pas à gâcher ma vie, aussi vais-je te livrer à la police fédérale, dès qu’on sera sortis d’ici. Et encore, je pourrais te donner au FBI. Mais je pense que tu as besoin de temps pour préparer tes réponses aux interrogatoires des services secrets.’ Ils étaient parvenus au bas d’une petite échelle métallique, pleins feux pour eux, après cette relative obscurité de trente jours. Lorsqu’ils furent sortis (tout contre un hangar désaffecté, qui ressemblait à tant d’autres), le soleil était pourtant rasant. Sayid ne bronchait pas. Le ton sec et monocorde, et ce discours qu’il avait à peine la force de comprendre. Il se savait innocent, et n’ignorait pas la prime grasse qu’elle avait du recevoir de la part du FBI pour l’occasion. Surtout, tel un boxeur saoulé de coups, il était KO. Il abdiquait. Tandis que Nadia composait le 9-1-1, lui se persuadait que son cas était loin d’être désespéré, qu’il allait bien finir par lui prouver, qu’elle saurait bientôt, qu’elle serait désolée, et qu’ils se retrouveraient. En résumé, il ne voulait pas croire que la femme qu’il avait en face de lui était Nadia, et si ce n’avait été la phrase répétée devant lui, il aurait douté un instant avant de revenir à la raison. Et puis, au fond de lui, l’air pur du soir à nouveau humé ne lui fit perdre de vue que, de toute façon, son intérêt était de se soumettre, qu’il pourrait se défendre en temps voulu.

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Quand les voitures de patrouille, floquées de gyrophares hurlant à tout va, déchirèrent le crépuscule de la grande plaine où se trouvaient les deux rescapés, et se dirigèrent vers le lieu décrit par Nadia, celle-ci eut (malgré elle ?) un regard désolé pour Sayid. Quel était le fond de sa pensée ?
‘A terre ! Les mains en évidence ! Voilà ! Juan, tu l’as en main ?’
‘Vous avez le droit de garder le silence. Dans le cas contraire tout ce que vous direz pourra être utilisé contre vous devant un tribunal. Vous êtes arrêtés pour détournement d’avion, et pour le meurtre de l'officier de police José Hernandez.’

Suite chronologique - Shannon - Le Tueur                Suite logique - Sayid - Détournement

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